Il y avait un banc, peint en bleu pâle, au bord d’un petit lac oublié. Chaque soir à 18h, un vieil homme s’y asseyait. Toujours seul. Toujours le regard perdu sur l’eau.

Il s’appelait Émile.

Pendant cinquante ans, ce banc avait été “leur” banc — à lui et à Jeanne. Il venait la chercher après son travail, lui offrait une brioche à la cannelle, et ensemble ils regardaient le soleil tomber lentement derrière les arbres. Elle riait beaucoup, Jeanne. Assez pour deux.

Mais un jour, elle n’est pas revenue. Un souffle trop court, un cœur trop fatigué. Et depuis, Émile venait quand même. Tous les jours. Avec une brioche qu’il posait à côté de lui, comme si elle allait tendre la main.

Il parlait parfois, tout bas. Il racontait sa journée, les petits détails, ce que les passants faisaient. Il faisait vivre le monde à une ombre.

Puis un jour, il n’est plus venu. Le banc est resté vide.

Un jeune couple s’y est assis une semaine plus tard, riant fort, les mains entremêlées. Et sur le bois, ils ont remarqué quelque chose de gravé :

“J+E, pour toujours, ici.”

Ils n’ont pas compris l’histoire.

Mais le banc s’en souvenait.